Ouuuuh, j'en ai des frissons, dis!
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Le mariage homo se donne de l’Eire
L'Irlande est le premier pays à approuver le mariage homosexuel grâce à un référendum.
L'Irlande est le premier pays à approuver le mariage homosexuel grâce à un référendum. (Photo Paul Faith. AFP)
VU DE LONDRES Pourtant très catholiques, les Irlandais se sont exprimés à 62% en faveur des unions entre personnes de même sexe, samedi.
Ils sont si rares et si précieux, ces instants où l’histoire est en marche. Parfois ils confinent même au vertige. Surtout en Irlande, pétrie de catholicisme, rescapée douloureuse d’une violente récession, et qui, jusqu’en 1993, pénalisait l’homosexualité. Comme l’a tweeté le comédien britannique Stephen Fry (9,5 millions de followers quand l’Irlande compte 3,3 millions d’électeurs), aujourd’hui, Oscar Wilde «sourit dans sa tombe». Son amant, le poète Alfred Douglas, ne pourrait plus parler de «l’amour qui n’ose pas dire son nom». L’Eglise catholique irlandaise se retrouve face à la réalité d’une influence diminuée, pour ne pas dire évaporée.
Sur le mariage gay, l’Irlande plutôt de bonne Constitution Par Sonia Delesalle-Stolper
En approuvant, par référendum, à 62% le mariage pour tous, la république d’Irlande est devenue le premier pays à approuver l’égalité des sexes devant le mariage par un vote populaire. Et quel vote ! En se déplaçant à 61% vers les urnes, les Irlandais ont aussi explosé le record de participation pour un référendum. En 1998, pour celui sur l’accord de paix en Irlande du Nord, le taux de participation de 56% avait été considéré comme exceptionnel. Des milliers d’Irlandais vivant à l’étranger, dont beaucoup de jeunes, avaient même fait le déplacement uniquement pour ça. «Avec ce vote, nous avons montré qui nous sommes, a déclaré le Premier ministre, Enda Kenny. Nous sommes un peuple généreux, compatissant, audacieux et joyeux, un peuple qui dit oui à l’inclusion, oui à la générosité, oui à l’amour et oui au mariage gay.» Sur les 166 députés du Dáil, la chambre basse du Parlement, seuls 3 avaient décidé de voter non. La division entre les villes et les campagnes n’a pas vraiment eu lieu non plus, puisque seule une des quarante-trois circonscriptions du pays, très rurale, a voté en majorité non.
SCANDALES PÉDOPHILES DANS L'EGLISE
«Je pense qu’il s’agit d’une révolution sociétale.» Cette phrase, deux hommes, au moins, l’ont prononcée. Le premier est Leo Varadkar, ministre de la Santé, qui, à la faveur de la campagne, a dévoilé son homosexualité, devenant ainsi le premier membre du gouvernement irlandais ouvertement homosexuel. Plus significatif, Diarmuid Martin, archevêque de Dublin, sans conteste l’une des figures les plus libérales de l’Eglise catholique irlandaise, a dressé le même constat. S’il a voté non au référendum, il avait refusé de donner des consignes de vote. Et juge désormais que l’Eglise «doit dresser un constat de la réalité, ne pas s’enfoncer dans le déni». «Je me dis que la plupart des jeunes qui ont voté oui sont le produit de douze ans de système scolaire catholique. Je me dis que nous sommes face à un immense défi», a-t-il ajouté.
La succession de scandales liés à l’Eglise, et notamment la révélation de décennies d’abus sexuels sur des enfants, a porté un coup terrible à la suprématie catholique en Irlande. Déjà en 2013, elle avait échoué à empêcher le gouvernement d’introduire une modification de la loi sur l’avortement permettant un tel acte en cas de danger réel pour la vie de la mère, y compris en présence de risques de suicide.
L’avortement reste toujours illégal en Irlande, y compris dans les cas de viol, d’inceste ou si le fœtus n’a aucune chance de survivre à la naissance. Mais, après la décriminalisation de l’homosexualité en 1993, la légalisation du divorce en 1995, l’adoption du partenariat civil entre personnes du même sexe en 2010 et – enfin – aujourd’hui le mariage pour tous, la révolution sociétale de l’Irlande avance à pas de géant.
Sonia DELESALLE-STOLPER Correspondante à Londres